Journée poterie à Agost

Jeudi 26 octobre, et si nous allions faire un tour à Agost, petite ville proche d'Alicante, célèbre pour ses ateliers de poteries (alfarerías) ???

Comme dit la chanson, c'est un petit potier qui prend son pied à petits pas, quelquefois il peut peu, et souvent il peut pas... Eh bien, nous, à l'UFTM, grâce à Françoise et Daniel, qui nous ont soufflé l'idée de cette excursion thématique, on va prendre notre pied en jouant les petits potiers à Agost.

Nous sommes 18 au départ de Moraira, dans la folle ambiance bleu aquarium de ce car, spécialement affrété pour l'occasion : Marie-Odile et Yves, Jeanine, Yvette, Pascale V., Brigitte et Didier, Béatrice, Fanny et Michel, Jeanne-Marie et Thierry, Isabel et Pascal, Pascale S. et Jean-Marc, Henri-Claude et moi.

Nous serons 23 à l'arrivée, rejoints en voiture par Nina, Anne et Robert et les régionaux de l'étape, Françoise et Daniel, en provenance directe de Tibi.

Derrière nous, se dresse la statue de la Peona, cette représentation géante et consolatrice des petites mains féminines qui longtemps transportaient l'eau, remuaient l'argile dans les bassins et se chargeaient de toutes les tâches ingrates et pénibles de manutention au service des potiers et de la poterie.

Gracias señoras!!! Agost vous dédie aussi cette place baptisée en poterie comme il se doit...

De toutes façons, l'art de la poterie est omniprésent ici, même sur la façade du boucher du village!!!

Quant à nous, nous n'allons pas nous contenter de visiter le musée d'Agost et l'un de ses potiers historiques. Nous allons aussi mettre la main à la pâte dans l'atelier de poterie...

La poterie est avant tout une affaire de mains...

Mains des potières, qui nous expliquent les techniques de pétrissage et modelage antérieures à l'invention du tour...

... et celle de la préparation du pavé d'argile rouge, une terre plus "docile" (sic!), roulée en tête de bélier (re-sic!) dont le museau sera collé sur le tour...

... avant de se transformer encore et encore entre les mains expertes de Camille, potière française qui travaille et enseigne la poterie à Agost et dans toute la province d'Alicante depuis 14 ans...

Des mains sales et magiques à la fois...

qui perforent, déforment, écartent ou rapprochent, tout en douceur et sans effort, et en même temps avec maîtrise et lâcher prise, doigté et volupté...

... avant de trancher d'un fil sec leur création...

A nous maintenant... En voilà une motivée...

...un autre bien concentré...

celle-ci n'est pas franchement détendue...

celui-la est en pleine extase créative...

et celle-là épatée et fière du résultat...

Et il y a de quoi... Jugez plutôt...

Quelle imagination, les amis!!!

Je rigooooooooole!!! Ça, ce sont des oeuvres, certes un peu improbables, mais réalisées par de vrais potiers, juste un peu perchés...

Comme les autres, celle-ci réinterprète avec beaucoup de panache la pièce la plus fabriquée et la plus exposée dans ce musée et les ateliers qui subsistent à Agost. Le botijo, la star des poteries, cette cruche en terre si particulière qui préserve la fraîcheur de l'eau...

Celle que les espagnols émigrant vers la France emmenaient avec eux en plus de leur valise...

Celle que les potiers mettaient à cuire par centaines dans leurs grands fours arabes, et donc celle qui a été la plus cassée après avoir été sortie la première du four pour vérifier sa cuisson. Ici, on ne dit pas, tant va la cruche à l'eau... mais tant va la cruche au four qu'à la fin elle se casse... en tous cas, si elle n'est pas assez cuite!

Les botijos bien cuits voyageaient ensuite aux 4 coins de l'Espagne et jusqu'au Maghreb...

Certains d'entre eux ont même participé à la guerre d'Espagne, en transportant des produits de contrebande ou de la poudre à canon. C'était la couleur de l'anse qui renseignait alors sur la marchandise transportée... Dingue, non?

Pour en finir... ou presque avec cette poterie, voici le décalogue du botijo qui énumère ses 10 vertus :

- désaltérant et anti fatigue

- autoréfrigéré et non consommateur d'énergie

- biodégradable et 100% recyclable

- multiforme et multi design

- efficace depuis des siècles

- réalisé en matériau local

- d'utilité artisanale

- écologique et durable

- héritage patrimonial et culturel

- et enfin, recommandé par 9 potiers sur 10, sachant que le 10ème fabrique des casseroles...

Ouf! N'en jetez plus...

Des petits malins ont même conceptualisé la complexité du botijo en posant la formule qui lui permet de maintenir une telle fraîcheur de l'eau. D'ailleurs, ne dit-on pas en Espagne (ou au moins à Agost) : "es más simple que el mecanismo de un botijo" (c'est plus simple que le mécanisme d'un botijo) ? Et je ne vous parle pas de l'exercice qui consiste à boire cette eau fraîche en tenant l'anse à bout de bras sans s'en coller partout et finir trempé!!!

Nous sommes vraiment au royaume du botijo, sous toutes ses formes, ici un coq quasiment lusitanien, décoré selon des techniques quasiment pâtissières...

et parfois lui-même décor de mariages célébrés dans des ateliers de poterie....

Vous en avez votre claque de cette drôle de boule à anse, goulot et bec verseur? Moi aussi. Passons à autre chose...

Ces bassins, par exemple, qui étaient utilisés pour décanter l'argile (arcilla) mélangée avec de l'eau. De vrais bains de boue d'où émergeait une argile pure et parfaite pour la poterie, mais aussi de vrais marécages où les petites peonas risquaient à tout instant de se noyer. Ça plombe l'ambiance, ça, non????

Que diriez-vous d'un petit placard à amphores? Très graphique, mais pas forcément commode si vous voulez justement en sortir une sans faire tomber toutes les autres...

Autre option, ranger des pièces plus petites en les collant sur des toiles accrochées au mur.

Joli, certes, mais pas hyper pratique non plus.

Ah ben... Voilà le rangement parfait. Celui qui va nous permettre de ramener nos propres oeuvres dans le car sans risque. C'est ce qui s'appelle un contenant adapté au contenu!!!

Àààààààààààààààààààààààà table!!!

Non pas ici!!!!

Pas là non plus!!!!

Dans un petit restau d'Agost...

dont le serveur me rappelle quelque chose! Toute ressemblance avec une personne existante s'appelant Henri-Claude est purement exacte...

Mais nous n'en avons pas encore fini avec Agost et ses potiers. Il nous reste à rencontrer Emili. Descendant d'une longue lignée de Boix, potiers de grand-père en père et fils. Lignée qui semble s'arrêter avec lui, hélas...

C'est sans doute pour cela qu'il moule frénétiquement, assis devant son tour, dans son atelier capharnaüm, bien qu'il soit à la retraite...

Pour cela et parce que, comme il le dit lui-même, "la poterie n'enrichit pas, et heureusement parce sinon, on arrêterait d'en faire". C'est un passionné Emili...

Et il moule, et il moule, et il parle, et il parle...

... de la vie, de sa jeunesse, des leçons un peu musclées que lui donnait son grand-père à coups d'espadrilles en el culo, de leur intérêt pour les quelques touristes français qui venaient à l'atelier pendant les années Franco et de son père qui les invitait à déjeuner ou dîner (eché un puñaso más de arroz a la paellera! disait-il à sa femme), des expressions liées à la poterie dont je n'ai retenu que celle-ci : "el tio Pepe dura más que el culo de un mortero" célèbrant la longévité des mortiers en argile cuite et surtout celle du gars Pépé qui dure plus que le cul d'un mortier...

Et nous, on l'écoute bouche bée...

... et on hallucine...

... devant la rapidité avec laquelle il crée, couvrant en à peine 20 minutes deux planches de pots, botijos, vases, cruchons, statuettes, amphores, lampes à huile, bols, et autres objets. Toujours plus vite, en regardant à peine ce qu'il fait, laissant ses mains travailler sans leur prêter attention, sur un mode automatique et avec des gestes qui portent en eux leur propre mémoire...

Ce n'est plus un tour en action, c'est un vrai tourbillon!!!

Tchao et merci Emili Boix, dont l'oeuvre est aussi exposée dans le musée d'Agost.

La journée fut passionnante. Même si nous nous en retournons chargés de poteries, elle nous a laissé un goût de trop peu et nous reviendrons certainement un jour prochain tremper nos mains dans l'argile...

T'inquiète Françoise....

A suivre donc!!!